A deux, jouir dedans ou jouir dehors ? C’est une question d’équilibre !
Les femmes ont habitué les hommes à jouir dedans, cachés, car jouir dehors ne leur paraissait pas convenable… L’homme surpris sous sa douche en train de se masturber est encore considéré comme un cochon qui ne pense qu’à ça… Cinématographiquement parlant, le jouir dedans n’étant pas très visible, la pornographie s’est emparée du jouir dehors parce que ça se voit mieux à l’écran. Un couple qui se prétend amoureux ne pourra envisager d’emblée une éjaculation externe.
A deux, l’important c’est la fusion.
Aujourd’hui, une telle demande de la part de l’homme n’est plus considérée comme une éventuelle solution contraceptive mais comme une preuve de non-sentiments. Venant de la dulcinée, c’est impensable, puisque le prince charmant (même s’il se prénomme William et qu’il est anglais) ne peut être un hardeur (acteur de film porno). Le risque d’être incomprise et surtout prise pour une s… est trop important. La pornographie a tué l’érotisme.
Et pourtant.
C’est la même qui viendra en consultation quelques années plus tard pour une baisse de libido. Faire l’amour n’a jamais été désagréable avec lui, mais avec le temps, elle a de moins en moins envie… Qu’est devenue la passion du début ? Le temps de la réflexion s’impose. Que se passe-t-il, concrètement, dans un épisode sexuel ? L’idéal c’est que la femme ait un ou plusieurs orgasmes pendant les préliminaires. Elle se raconte parfois que c’est l’autre qui lui « procure » ces plaisirs, alors qu’il n’est qu’un accompagnateur plus ou moins talentueux. Puis, heureuse et épanouie, elle a envie de cette fusion charnelle. Moins bien, elle le « laisse » rentrer, décidant de s’offrir à cet autre qui l’a « envoyée en l’air », la réconciliant avec ce corps que souvent son cerveau n’aime plus (elle se trouve trop de ventre, pas assez ou trop de seins, elle ne ressemble pas à toutes ces filles des magazines, comment peut-on l’aimer encore ?). Pourquoi pas. L’homme a bien travaillé, il retrouve enfin sa Belle qui lui ouvre ses portes. Il est autorisé à aller chercher sa récompense orgasmique, concrétisée par son éjaculation. Il a réussi les préliminaires à SA pénétration. Récapitulons : elle a joui dehors, il a joui dedans.
Là est LE décalage à prendre en considération, de ce que le corps imprime dans le cerveau :
Côté femme :
1/ ce n’est pas pendant la pénétration que j’obtiens le réflexe orgasme.
ET 2/ lors de la pénétration je n’en obtiens pas (en tout cas pas toujours).
Côté homme :
1/ c’est pendant la pénétration que j’obtiens le réflexe orgasme.
ET 2/ en dehors de la pénétration je n’en obtiens pas.
La réflexion est valable pour tout couple, quelque soit l’orientation sexuelle, car il s’agit là d’une mise en mémoire du réflexe orgasme : il est déclenché lors d’une pénétration corporelle, OU PAS, que l’on soit personne pénétrante, ou pénétrée. Ce qui implique que le corps aime l’acte de pénétration corporelle, OU PAS.
Si le couple hétérosexuel se limite à cette pratique, on peut dire en quelque sorte que pour l’homme, à tous les coups on gagne ! Il est logique qu’il ait envie de recommencer. Comment faire pour qu’il comprenne ? Ce n’est pas parce que les hommes ayant une sexualité avec les hommes, ont en général compris – sans jeu de mots – le sens de la pénétration corporelle, qu’il est question ici de changer d’orientation sexuelle. Il suffit peut-être seulement d’oser dire le non-plaisir.
Ce n’est pas grave de dire que le corps n’est pas satisfait. C’est un jeu amoureux, plus un devoir conjugal. La femme qui n’a plus envie, n’obtient pas assez de plaisir sexuel de ce jeu-là. Qu’elle le dise ! Les deux sexes peuvent décider que la pénétration n’est pas obligatoire pour arriver au plaisir… masculin. Il suffit de changer les règles du jeu. Le réflexe orgasme peut être atteint en dehors de cet acte-là, sans honte et sans jugement. Attention, la fellation est aussi une pénétration.
Le jeu sert à dédramatiser la situation. Si l’on craint de se transformer en acteur ou actrice de film pornographique, en parler en dehors des actes rassurera sur les sentiments. Y a-t-il vraiment deux participants motivés pour la même aventure ? Qu’est ce qu’il faut mettre comme ingrédients pour que le gâteau soit réussi, que le film soit bon, que le voyage soit merveilleux et surtout qu’on ait envie de recommencer ? Il faut écrire le scénario à deux, ne pas hésiter à le changer, questionner l’autre pour comprendre ce qui ne va pas. Autre exemple, un homme qui a une panne au mauvais moment est loin de ne pas être amoureux, il se perd dans un combat intérieur qui le dépasse : à quoi et à qui sert mon érection ? Si ce n’est que pour son plaisir à lui, cela risque de le perturber !
Il faut vouloir orgasmer, que l’on soit homme ou femme. Pour l’équilibre et le maintien du couple intime et amoureux, la volonté de ce plaisir que l’on croit solitaire doit être cultivée ; avoir envie de son orgasme, pas seulement celui de l’autre. Considérant l’acte de pénétration, c’est un choix qui doit être compris de manière intime par les deux. Si elle accepte d’être pénétrée, la personne doit être capable d’agir sur son propre corps pour obtenir un réflexe orgasme pendant cette pénétration. Cette pratique entrainera l’impression cérébrale : c’est pendant la pénétration que j’obtiens un orgasme. Sinon, elle finira par s’en dégouter elle-même, l’accepter seulement « pour » l’autre, mentir en disant que c’est bien, ne pas avouer en se taisant, ne plus l’accepter du tout, et enfin rejeter la faute sur l’autre ou culpabiliser ce qui n’est pas mieux.
La femme ne peut par contre refuser une pénétration sans proposer une alternative. A nouveau, le jeu. Pas de perdants si les deux sont en paix à la fin de la partie ? Ce qui est important c’est que les corps impriment dans les cerveaux que personne n’a été contraint d’être envahi physiquement, c’est un échange entre humains conscients à la recherche du plaisir. C’est une dimension amoureuse, ni vulgaire ni malsaine, ni porno mais érotique car dans le domaine réel des sens. Ce n’est certes pas simple à mettre en place si l’habitude de jouir dedans, ou même seulement d’obtenir l’érection dedans, existe depuis longtemps… L’homme peut résister, avoir peur du jugement, ou tout simplement ne pas comprendre.
C’est une démarche intellectuelle que d’oser inverser la nature qui a mis à disposition un vagin pour être rempli par une verge Un couple qui se prétend intime, amoureux, s’entraide à être au mieux ensemble, mais aussi en tant qu’individu, ni mâle ni femelle, sans jugement, avec respect et confiance. Ne cherchons nous pas à rencontrer quelqu’un pour traverser la vie à deux et non pas seul (il sera toujours temps de l’être) ? La spécificité humaine ne réside-t-elle pas dans l’échange de pensée ? Comment échanger sans dialogue ? Sans communication ? Ne peut-on parler en toute liberté, sans crainte, à la personne qui prétend « aimer » ?
Bien sûr les émotions sont en jeu, les souvenirs, les habitudes, les expériences, les empreintes, les autres… sans oublier les tabous encore ancrés, les prétendues normes valables pour tous, liées au passé, aux sociétés, aux religions, mais surtout au manque d’information neutre. Le réflexe orgasme est une solution corporelle, personnelle donc culpabilisante quand elle se fait en « dehors » de l’autre – je quitte un état de fusion avec l’autre, oups je n’aime plus mon prochain ? Ce phénomène est une réponse si merveilleusement adaptée pour chaque individu, à une problématique d’adaptation basique, moderne et en expansion : le stress. Mal du siècle, mal de ce monde virtuel qui néglige l’utilisation des sens humains pour la résolution de ses tourments et privilégie la technique, le commerce, le pouvoir plutôt que l’entraide, la stigmatisation plutôt que l’empathie, la catégorisation plutôt que l’union. Oubliés le toucher, l’odorat, l’écoute, le goût, seule la vue prime dans cette communication-là ! C’est ce qui est vu qui est cru, pas ce qui est ressenti. L’image, la forme, pas le fond… en matière amoureuse, c’est bien dommage. Le jouir dehors serait donc porno, pas érotique !
La pénétration est un acte d’amour… dans un jeu amoureux où chaque participant doit trouver son compte de bénéfices pour garder l’envie de recommencer. Attention, celui qui pénètre risque d’être considéré comme dominant. C’est une question d’équilibre. Aucun être humain sain d’esprit ne peut prétendre dominer un autre individu de son espèce. En mai, fais ce qu’il « te » plait ! « te » est un individu, mâle ou femelle, avec toutes ses contradictions, d’exception puisqu’unique en son genre, et libre d’assumer ses choix.
© Manon Bestaux, sexologue, pour Secrète Arlette